Assis derrière une fenêtre, tout est possible. Elle est immobile, on se croit immobile aussi. Derrière la fenêtre, le ciel avance et les arbres, beaucoup d'arbres. Des traces dans la neige, des pas, mais pas d'homme en vue. A qui sont ces traces? Une grosse bête sauvage? Un immense tigre blanc avec une mâchoire capable de briser une tête d'enfant en une bouchée? Des indigènes qui déplacent leur pitance sur des traineaux? Des créatures imaginaires qui vivraient tranquillement leur existence magique, cachées derrière ces arbres interminables?
La fenêtre ne bouge pas vraiment, il semble faire froid dehors, un froid à briser les os, un vent à vous arracher une oreille ou deux. Comment font-ils, ces gens qui semblent vivre là? Que mangent-ils? Que font-ils de leurs soirées? Ils se racontent des histoires peut-être. Des histoires rocambolesques de fenêtres qui ne bougent pas, de tigres plus gros que des ours, de monstres imaginaires qu'on imagine vivre au bord des océans ou sur des îles bouillantes.
Et puis c'est qui ces rigolos, derrière la vitre, qui nous regardent? Ces blancs-becs à manches courtes, ils n'ont pas compris ce qu'ils faisaient là n'est-ce pas! Ici c'est la fourrure qui prime, espèces de promeneurs des chemins de fer!
Bien sûr, on s'invente un tas d'histoires. Aucune n'est vraie, ou alors tout est vrai. On n'en sait plus rien. Mais cela en vaut le détour, que ce soit vérifiable ou soluble dans l'air. Que d'histoires déjà racontées pour faire tenir ce fil sur ce chemin, immobiles et au chaud derrière une vitre sale.